OPERATEUR DE TELECOMMUNICATIONS -
Comment France Télécom peut-il regagner la confiance des marchés [ 13/02/06 ]
L'ANALYSE DE
RENAUD BELLEVILLE
En présentant ses comptes et sa stratégie demain, jour de la Saint-Valentin, France Télécom espère peut-être nouer une nouvelle histoire d'amour avec les marchés financiers. Force est cependant de constater, à quinze jours de l'anniversaire de l'entrée en fonction de Didier Lombard, que la lune de miel qui avait suivi son arrivée à la tête de l'entreprise aura été de courte durée. En un an, l'action France Télécom a perdu 20 % de sa valeur. Lanterne rouge de l'indice CAC en 2005, elle affiche aussi l'une des plus mauvaises performances depuis début 2006. Quelques mois après avoir succédé à Thierry Breton, le nouveau patron de France Télécom avait pourtant aligné deux succès, appréciés des marchés. Fin juin, l'ambitieux plan NExT laissait entrevoir de bonnes perspectives de développement au cours des trois prochaines années avec la poursuite de la stratégie d'opérateur intégré et l'accélération du recentrage sur le service au client, tout en continuant à améliorer les résultats financiers. Fin juillet, l'acquisition de l'opérateur espagnol Auna, pour 6,4 milliards d'euros, financée pour moitié sur fonds propres, montrait que FT savait encore faire des opérations de croissance externe prometteuses sans détériorer ses équilibres financiers.
Après ce démarrage en fanfare, trois incidents ont rompu le lien de confiance entre France Télécom et les investisseurs. D'abord, FT indique fin juillet que les 3 milliards d'augmentation de capital destinés à Auna seraient financés par les vendeurs espagnols ou par appel au marché, avant d'annoncer un mois plus tard le choix de l'appel au marché. L'opération est sensée mais il eût été plus logique de prévenir d'emblée plutôt que de donner l'impression de louvoyer. La sanction boursière n'est pas immédiate mais le faux pas laisse des traces. Quand, deux mois plus tard, France Télécom revoit à la baisse ses prévisions 2005, la réaction est vive. L'action décroche sensiblement. Mi-janvier, c'est au tour des prévisions 2006 d'être minorées. Depuis, la défiance est à son comble. L'action affiche une chute de 25 % en six mois. 15 milliards d'euros de capitalisation boursière sont partis en fumée. Même si les révisions sont à chaque fois modestes, les investisseurs s'inquiètent de l'accumulation des déconvenues. Ils ont le sentiment que les dirigeants de France Télécom appréhendent mal l'évolution de leurs marchés.
Le resserrement du management et le départ du directeur financier, annoncés récemment, ne sont guère suffisants pour restaurer la confiance. Après s'être trompés plusieurs fois et avoir donné le sentiment aux marchés qu'ils les avaient trompés, les dirigeants de France Télécom ont besoin, pour restaurer leur crédibilité, de faire des gestes forts, au-delà de l'annonce de lendemains qui chantent en 2007 et 2008, après une médiocre année 2006. Entre l'accélération des mutations technologiques et l'exacerbation de la concurrence dans le fixe, le mobile et Internet, l'opérateur historique doit montrer qu'il dispose des atouts technologiques et humains, de l'organisation et des outils marketings pour continuer à générer une croissance rentable.
La publication attendue d'une marge opérationnelle supérieure à 18 milliards d'euros et d'un bénéfice supérieur à 5 milliards en 2005 prouvent que France Télécom est une entreprise en bonne santé. Pour que les investisseurs effacent la décote de plus de 20 % qu'ils lui infligent par rapport à ses pairs européens, il faut que Didier Lombard convainque que le groupe a les moyens de progresser.
La meilleure façon de conforter cet engagement est de donner un gage de confiance aux actionnaires. Le plus adapté serait de lancer un vaste programme de rachat d'actions, conformément à l'autorisation donnée par l'assemblée générale, qui n'a pas été utilisée jusqu'à présent. Contrairement à d'autres groupes qui font des rachats stériles faute d'avoir des projets de croissance, France Télécom a fait de nombreuses opérations de croissance externe depuis cinq ans. Celles-ci ont notamment été refinancées par plus de 18 milliards d'euros d'augmentation de capital. De sorte que le nombre d'actions a été multiplié par deux et atteint aujourd'hui 2,6 milliards de titres. Avec une situation financière assainie et des profits plantureux, le groupe est donc fondé à récompenser ses actionnaires en rachetant des titres. Avec une capitalisation boursière tombée à 49 milliards, le rachat de 10 % de son capital est économiquement et financièrement intéressant. Il montrerait de façon sonnante et trébuchante la confiance du groupe dans la réalisation des objectifs du plan NExT. Cela serait plus judicieux que d'augmenter sensiblement un dividende déjà généreux d'un euro par action, qui offre un rendement de plus de 5,5 % mais n'a pas suffi à amortir la chute du titre.
Un rachat d'actions cumulerait plusieurs avantages. D'abord, sa seule annonce aurait un impact positif sur le marché et le courant acheteur qu'il implique ne pourrait que soutenir la remontée du cours. Ensuite, en annulant les actions rachetées, France Télécom augmenterait de 10 % le bénéfice par action 2006, ce qui ferait plus que compenser la faiblesse passagère de la rentabilité attendue cette année. En outre, le groupe économiserait les dividendes afférant aux actions rachetées. Cela représenterait une économie de plus de 500 millions d'euros d'ici à juin 2007. Enfin, la différence entre le prix auquel a été réalisée l'augmentation de capital de l'automne dernier et le cours actuel représenterait un gain de trésorerie de près de 500 millions. De sorte qu'un rachat étalé sur plusieurs mois, même compte tenu de la hausse du cours qu'il devrait entraîner, reviendrait seulement à environ 4 milliards. Cela représente moins de 20 % du résultat d'exploitation qui sera dégagé en 2005 et 2006 et permettrait de poursuivre le désendettement de France Télécom tout en redorant son blason boursier. Un prix somme toute modeste comparé aux effets escomptés.
RENAUD BELLEVILLEest éditorialiste aux « Echos » rbelleville@lesechos.fr
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